Le saule (Salix) est un genre d'arbres, d'arbustes, d'arbrisseaux de la famille des Salicacées (Salicaceae). Il comprend 360 espèces environ, réparties à travers le monde, principalement dans les zones fraîches et humides des régions tempérées et froides de l'hémisphère nord.
Une rangée régulière de saules est dénommée une saulée[1].
Une saulaie est un endroit où poussent des saules, tout comme une saussaie, terme vieilli et régional.
Salix
Pour les articles homonymes, voir Saule (homonymie), Aubier (homonymie) et Salix (homonymie).
Le terme français saule est issu du vieux bas francique *salha (cf. vieil anglais salh, vieux haut allemand salaha), héritier du germanique *salχaz[Note 1],[2]. Le français saule, le germanique salχaz et l'anglais willow sont issus de la même racine indo-européenne wel signifiant «rouler, tourner», allusion à la flexibilité du bois et l'utilisation des pousses et des branches pour tisser des paniers, fabriquer des clôtures[3].
Si la racine est la même (*sal-), il ne continue donc pas le latin salix, accusatif salĭcem, lequel est en revanche à l'origine des formes d'ancien français saus et sausse (conservés dans certains dialectes) et de saussaie (qui vient de salicetu) «endroit planté de saules, saulaie» (en toponymie Saussay, Saussaye, Sauchay, Saulchoy, etc.).
Caractères généraux
Les feuilles sont caduques, alternes, ovales ou lancéolées. Les fleurs sont réunies en chatons dressés, mâles ou femelles, portés par des pieds différents (plantes dioïques). Chaque fleur est portée par un nectaire, qui correspond au périanthe, et protégée par une bractée ciliée.
La fleur mâle, minuscule, comporte deux à cinq étamines, et les fleurs mâles sont les seules qui aussi portent du pollen.
La fleur femelle ne comprend qu'un seul ovaire, uniloculaire mais à deux carpelles. Les fleurs femelles fécondées forment des capsules à deux valves, qui libèrent des graines cotonneuses. Les saules peuvent être anémochores (pollinisés par le vent) ou entomochores (pollinisés par les insectes).
Les nombreux hybrides rendent souvent la détermination difficile.
La plupart des saules se couvrent à l'automne d'une cire blanche qui les protège pendant l'hiver. Comme toutes les cires, celle-ci est hydrophobe, c'est-à-dire qu'elle ne laisse pas passer l'eau. Cette propriété protège l'arbre de la déshydratation pendant l'hiver mais rend aussi la respiration plus difficile. Pour résoudre ce problème, l'arbre est équipé de lenticelles.
Distribution
Saules et bouleaux sont les premiers arbres à coloniser les friches, surtout les berges de rivières. En effet, le saule a besoin d'un terrain nu et de beaucoup de lumière; l'eau est un caractère important pour son développement. Il est plutôt acidicline et s'installe sur des sols à pH allant de 5,5 à 7,5. Il préfère les sols légers et humides tels que les alluvions des bords de cours d'eau.
Les saules sont cultivés principalement pour l'ornement, notamment le saule pleureur, de loin le plus connu dans les parcs et jardins.
Certaines espèces fournissent du bois, apprécié notamment pour la fabrication de manches d'outils, de perches, et des rameaux flexibles utilisés en vannerie (osier). Particulièrement droites et solides, Salix calodendron, Salix cinerea, Salix caprea, Salix viminalis et leurs mélanges sont utilisées pour la fabrication des fusains d'artistes.
Les feuilles et l'écorce de saule sont connues depuis l'Antiquité pour ses vertus curatives. Les Sumériens utilisent les feuilles de saule en décoction comme antidouleur. Hippocrate conseille une préparation à partir des feuilles et l'écorce du saule blanc pour soulager les douleurs et les fièvres. Au XVIIIesiècle, pour le pasteur Edward Stone, l'écorce de saule lui rappelle le quinquina[5] au même goût amer dû à sa richesse en tanins (15%). Il lui donne une indication supplémentaire contre les rhumatismes en recourant à la théorie des signatures[6]. En 1829, un pharmacien français, Pierre-Joseph Leroux, après avoir fait bouillir de la poudre d'écorce de saule blanc dans de l'eau, concentre sa préparation[7]. Il en résulte des cristaux solubles qu'il baptise salicyline (du latin salix). En 1853, un chimiste alsacien nommé Charles Frédéric Gerhardt réussit, à partir de la salicyline, à synthétiser l'acide acétylsalicylique qui est commercialisé en 1899 sous le nom d'aspirine. Les rameaux de 2-3 ans ont en effet une écorce riche en salicyline, hétéroside se dédoublant par hydrolyse en glucose et alcool salicylique(en) (alcool orthoxybenzoïque ou saligénol). Ce dernier, par oxydation, donne l'aldéhyde, puis l'acide salicylique. «Par ses composants, l'écorce de saule est un peu une aspirine végétale, moins active sans doute que l'acide acétylsalicylique de synthèse, cependant douée d'un réel pouvoir antithermique et antinévralgique, auxquels s'ajoutent des effets toniques et astringents[8]».
Les feuilles des saules, riches en vitamine C, sont comestibles, mais elles ne sont pas d'un goût agréable. Les jeunes pousses du saule blanc peuvent être ajoutées crues aux salades, ou cuites en légumes. Celles des autres espèces sont trop amères pour pouvoir être consommées. Les propriétés médicinales des feuilles[Note 2] et des chatons[Note 3] sont utilisés en usage externe (antispasmodique, sédatif nerveux, anaphrodisiaque)[9].
Avant l'invention de l'auxine de synthèse, on se servait de l'eau de saule pour faciliter le bouturage de tous types de plantes.
La salicine peut aussi être utilisée pour tanner le cuir.
D'après Lapérouse les aborigènes Aïnous utilisaient les fils de l'écorce de saule pour tisser des toiles[10]. D'après le missionnaire John Bachelor, ces mêmes indigènes fabriquaient des sortes de peignes en saule pour relever leur moustache quand ils buvaient du vin[11].
Selon le phytothérapeute Paul Goetz, les chatons de saule contiennent des traces de substance œstrogènique[12].
Le saule qui accepte très bien la taille en tétard fut beaucoup utilisé comme bois énergie, aujourd'hui le bois issu de ce type de taille encore très répandu est essentiellement broyé et utilisé pour pailler jardins et potagers[13].
Symbolique, religion et superstitions
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Dans la mythologie orientale, le saule est symbole d'immortalité[14].
Les branches de saule ou Arava sont aussi l'une des quatre espèces utilisées dans la fête juive des cabanes. Il représente entre autres l'un des rangs des dirigeants de la génération à savoir les scribes des juges, ou l'un des organes du corps à savoir la bouche.
Artemis Lygodesma [Artémis du saule] était l'épithète d'Artémis à Sparte. En outre, les branches de saule étaient utilisées dans plusieurs rituels grecs[15].
Chez les incas, la Saramama, déesse du maïs, était associée au saule[16].
Sail / saule est le nom d'une lettre de l'alphabet oghamique. Cette lettre est glosée li n-aimbi ce qui voudrait dire "couleur des morts"[17].
Chez les Germains, le «salix» était symbole de mort. Des sorcières habiteraient dans la cime des saules. On faisait alors des flûtes en bois de saule pour chasser le diable. (Grimm)
En religion vaudou, on noue les branches de saules pour bloquer une personne.
Une gerbe de branches de saule était utilisée par les scythes pour prédire l'avenir. Les Enarei (une classe différente) utilisaient plutôt des morceaux d'écorce de tilleul[18].
Le phénix vivrait dans le benben d'Héliopolis ou dans le saule sacré.
En Cantabrie, cueillir des branches de saule au lever du soleil du solstice d'été porterait chance.
Chez les Pomos, le dieu Coyote créa des humains (avec des griffes) à partir de branches de saule et de cornouiller.
Littérature
Le saule jouit d'un ambassadeur célèbre: Alfred de Musset, qui appréciait cet arbre. Les vers ci-dessous sont extraits du poème Lucie, ils sont placés en tête et en fin de ce poème[19]. Voici l'extrait:
«Mes chers amis, quand je mourrai, Plantez un saule au cimetière. J’aime son feuillage éploré; La pâleur m’en est douce et chère, Et son ombre sera légère À la terre où je dormirai»
Le Vent dans les saules (The wind in the willows) est un roman de Kenneth Grahame paru en 1908 et adapté en bande dessinées par Michel Plessix entre 1996 à 2001 (voir Le Vent dans les saules (bande dessinée)).
Les saules de Grand-Pré ont inspiré un roman de René Verville, Le Saule de Grand-Pré. Selon la légende, les saules marquent la présence de villages d'Acadiens déportés[20].
Le dicton «suspendre sa harpe (ou sa lyre) dans les saules» indique une période de deuil, ce qui remonte au psaume 137:
«Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. Aux saules de la contrée nous avions suspendu nos harpes.»
Dans le Livre de Taliesin (XIIIesiècle / XIVesiècle) et le poème Cad Goddeu («la Bataille des Arbres») (VIesiècle), le saule et le sorbier sont décrits comme des arbres qui «tardent à entrer en lice».
Le roman de Shan Sa parle de cet arbre dans Les Quatre Vies du saule.
Aspects culturels
Au Japon
Dans le jeu de cartes traditionnel japonais Hanafuda, des branches de saule sont représentées sur la série des 4 cartes du mois de novembre (décembre dans la version coréenne).
Insectes se nourrissant de saule
Les chenilles des papillons de nuit (hétérocères) suivants (classés par famille) se nourrissent de saule:
Certaines Cécidomiyes induisent des galles en forme de rosette sur les bourgeons terminaux de nombreux saules.
Champignon parasite
Phellinus trivialis est un champigon parasite qui se développe sur le tronc des saules.
Notes et références
Notes
Voir également l'origine du mot Gaule pour l'évolution phonétique.
Il existe des médicaments appelés «Feuille de saule» qui visent à éliminer les cors aux pieds. Ces produits ne contiennent pas de saule blanc, mais de l’acide salicylique destiné à brûler les cors.
La tisane astringente obtenue par infusion de feuilles (40 grammes de plante pour un litre d'eau soit 10 ml par tasse d'eau bouillante, donnant une tisane encore plus amère), de chatons favorise le sommeil.
À ne pas confondre avec le «quinquina français», nom d'un mélange à base d'écorce de chêne, de racine de gentiane et de camomille, mentionné par le vétérinaire Onésime Delafond en 1844. Cf Onésime Delafond, Traité de thérapeutique générale vétérinaire, Labé, , p.163.
Claude Bohuon et Claude Monneret, Fabuleux hasards. Histoire de la découverte de médicaments, EDP Sciences, , p.24.
La tisane d'écorce séchée est toujours utilisée contre les refroidissements, les maux de tête. L'écorce peut également être macérée dans du vin (50 g d'écorce dans un litre de vin) pendant une semaine. Ce vin tonique est «utilisé (deux verres à bordeaux par jour) dans l'anorexie, l'insuffisance digestive, les gastralgies avec hyperacidité, la diarrhée chronique, la leucorrhée». Cf Pierre Lieutaghi, «Saule blanc», sur universalis.fr (consulté le ).
Pierre Lieutaghi, «Saule blanc», sur universalis.fr (consulté le ).
François Couplan, Eva Styner, Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, Delachaux et Niestlé, , p.61.
Lapérouse, Le voyage de Lapérouse annoté par J.B.B. de Lesseps: De Brest à Botany Bay, Escourbias, Pôles d'images, coll.«fac similé de 1831», , 208p. (ISBN2-915561-05-2, lire en ligne), p.126.
(en) John Batchelor, The Ainu of Japan, Londres, Religious Tract Society, , 341p. (lire en ligne), p.78.
Paul Goetz, La phytothérapie: Santé par les plantes, Cachan, Selection Reader's Digest, (ISBN978-2-7098-2119-3), p.206.
(en) Bremmer Jan N. (2008) Greek Religion and Culture, the Bible and the Ancient Near East, Brill, Pays-Bas, p.187.
(en) Handbook of Inca Mythology par Paul Richard Steele, Catherine J. Allen.
George Calder, Auraicept na n-éces, The Scholars Primer, being the texts of the ogham tract from the Book of Ballymote and the Yellow Book of Lecan, and the text of the Trefhocul from the Book of Leinster..., John Grant, Edinburgh 1917
Macaulay (1904:317); Christian (1998:148).
Classiques Larousse, «Alfred de Musset – Pages choisies I (poésie)», p.33.
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