Les aulnes (Alnus) ou aunes forment un genre d'arbres de l'hémisphère nord poussant sur les sols humides, de la famille des bétulacées. Ils sont aussi nommés vergnes ou vernes.
Alnus
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Pour les articles homonymes, voir Aulne (homonymie) et Vergne.
Règne | Plantae |
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Clade | Angiospermes |
Clade | Dicotylédones vraies |
Clade | Noyau des Dicotylédones vraies |
Clade | Rosidées |
Clade | Fabidées |
Ordre | Fagales |
Famille | Betulaceae |
Genre
Synonymes
Répartition géographique
Outre l'aulne glutineux (Alnus glutinosa), on trouve en France, surtout dans les Alpes, l'aulne blanc (Alnus incana). Il diffère de l'aulne glutineux surtout par son écorce, lisse et grise, alors que celle de l'aulne glutineux est d'un brun noir et crevassée.
On trouve aussi en Corse l'aulne à feuilles en cœur (Alnus cordata), qui a été introduit comme plante d'ornement un peu partout dans le reste de la France. L'aulne vert (Alnus alnobetula) est abondant dans les zones montagneuses de Corse et des Alpes.
Les aulnes forment des futaies appelées « aulnaies ».
Les aulnes sont des arbres de taille moyenne, pouvant atteindre 20 à (rarement) 30 mètres, à feuilles caduques, croissant dans les bois humides ou marécageux, ou encore en bord de cours d'eau. Les fleurs sont organisées en chatons mâles et femelles. Les chatons femelles donnent naissances à des strobiles ligneux de deux à trois centimètres de longueur, abritant les graines. Alnus glutinosa, l'aulne le plus commun en Europe de l'Ouest, se distingue par ses feuilles largement ovales, crénelées-dentées, et ses jeunes pousses printanières collantes au toucher[3].
Leur bois est léger, tendre et homogène. Il est imputrescible dans l'eau, mais non durable hors de l'eau. Il est employé notamment pour les pieux de pontons. Il est d'une couleur rouge caractéristique puis rosée lorsqu'il est fraîchement coupé ou travaillé, mais cette couleur ne persiste pas, elle est dégradée par la lumière.
La rhizosphère de l'aulne encourage des bactéries fixatrices d'azote. L'aulne contribue aussi à la fixation et résilience écologique des berges et ripisylves.
Leur capacité d'enracinement profond dans les horizons compacts ou asphyxiants des sols à engorgement temporaire, l'hypertrophie des lenticelles[4] et la présence d'un aérenchyme très développé, alimenté via des lenticelles localisées dans l'empattement, explique leur fréquence dans les zones humides, sur les berges ou dans les forêts hygrophiles alluviales dites ripisylves, au bord des rivières ou autour des bras morts, où ils peuvent atteindre 25 à 30 m. Certaines espèces sont ubiquistes et poussent aussi en conditions plus sèches. Quels que soient les habitats où ils vivent, les aulnes sont surtout des espèces pionnières intolérantes à l'ombre, à colonisation rapide des milieux perturbés (par les inondations, les tempêtes, les incendies, les glissements de terrain...) facilitée par la dispersion de leur graines par le vent et par l'eau[5] et à croissance très rapide (grâce à leurs racines qui développent une association symbiotique avec des bactéries fixatrices d'azote, les frankias), comme les bouleaux qui appartiennent à la même famille (Bétulacées), ou comme les Salicacées (saules, peupliers). Ils sont ensuite facilement supplantés par des arbres plus compétitifs mais à colonisation plus lente comme les chênes et les frênes (forêts post-pionnières en Europe) ou les thuyas et les douglas (ouest de l'Amérique du nord)[6].
L'aulne nourrit de nombreux champignons quand il devient bois-mort ou sénescent, mais il peut aussi établir des symbioses avec certaines espèces par l'intermédiaire de leurs ectomycorhizes. Un inventaire mycologique des peuplements d’aulnes en France (dit « projet Aulnaies ») a été lancé en - sur 63 sites dominés par l'aulne glutineux et deux par l'aulne blanc, par la Commission Environnement de la Société mycologique de France. Les aulnaies poussent toujours sur des milieux aux enjeux écologiques importants ; ce programme a cherché à identifier leurs champignons associés, et à donner de nouveaux moyens d'évaluer la valeur de ces boisements et de leur fonge souvent méconnue et négligée par les gestionnaires. 477 espèces ont été identifiées sur ces 63 sites (soit environ 3,5 % de la diversité fongique nationale). Ces espèces ont été réparties comme suit, selon leur fréquence dans les aulnaies : 24 espèces dominantes (espèces mycorhiziques des aulnes, dont Russula alnetorum (en) et Amanita friabilis), 23 espèces caractéristiques, 47 espèces occasionnelles, 104 espèces assez rares, 281 espèces rares et 544 espèces exceptionnelles. Cette étude a montré que les espèces présentes sont principalement liées au niveau trophique, à l’acidité et à l’inondabilité de l'aulnaie (par exemple Lactarius clethrophilus, Lactarius omphaliformis et Cortinarius helvelloides sont associés au caractère oligotrophe du site où malgré une diversité réduite leur présence révèle un intérêt patrimonial très élevé. À l'autre extrême Gyrodon lividus (en), l'une des espèces mycorhiziques des aulnes, semble pouvoir être un bio-indicateur des aulnaies dégradées par l'eutrophisation). Les saprotrophes de l'aulne les plus courants en France sont des espèces banales et sans spécificité, alors que les mycorhiziens sont au contraire bien spécifiques[7].
La chenille du papillon de jour (rhopalocère) du Petit mars changeant, Aparura ilia (Nymphalidae) se nourrit des feuilles d'Aulne.
La maladie cryptogamique du dépérissement des aulnes due à Phytophthora alni progresse en Europe depuis la fin du XXe siècle. Les dépérissements ponctuels d'aulnes signalés depuis le début des années 1900 sporadiquement en Europe semblaient pouvoir tous être expliqués par des problèmes stationnels (aulnes plantés ou ayant poussé dans un milieu ne leur convenant pas ; trop sec, trop acide...). Mais une maladie nouvelle prend de l'ampleur depuis les années 1990, due à une hybridation antérieurement inconnue de champignon-algue du genre Phytophthora[8].
La cloque des chatons de l'aulne est une autre maladie cryptogamique sans graves conséquences causée par Taphrina alni qui provoque une galle en forme de ruban coloré de 5 ou 6 cm de long sur les fleurs femelles des Aulnes européens, principalement Alnus incana et Alnus glutinosa[9].
Les principales espèces d'aulnes ne sont pas considérées comme menacées, mais les aulnaies qui avaient notamment été conservées pour la production d'un charbon de bois apprécié pour les poudreries ont fortement régressé, au profit de la culture de peupliers (populiculture) ou du drainage des zones humides pour leur mise en culture, en pâture ou pour leur urbanisation.
La diversité génétique des aulnes a probablement souffert de l'artificialisation et du déboisement des berges et ripisylves des cours d'eau.
Ensemble des espèces incluses dans le genre Alnus selon GBIF (18 avril 2022)[10] :
Les caractéristiques acoustiques de l'aulne en ont fait un des bois les plus prisés dans la lutherie, et notamment dans la fabrication de guitares haut de gamme, comme le corps de la Fender Stratocaster.
Les fruits d'aulnes sont aussi utilisés en aquariophilie pour leurs capacités à réduire le potentiel hydrogène de l'eau, ainsi que leurs branches en tant que décoration.
Le bois de l'aulne est un bon bois de chauffage. Il fournit une chaleur très vive en brûlant et était donc très recherché par les boulangers. Au pays basque, les aulnes étaient coupés en juillet, tronçonnés et fendus en bûches. Le temps de séchage de ces bûches permettait de les utiliser avec un maximum de rendement énergétique au moment de la chauffe des alambics de distillation de l'eau-de-vie domestique.
Comme son bois ne pourrit pratiquement pas dans l'eau, s'il est à l'abri de l'air et de la lumière, on l'utilise pour faire des ponts de fortune dans le cas de franchissement de ruisseaux par un chemin de terre formé au bulldozer : on coupe quelques troncs d'aulnes proches, qui sont étendus l'un à côté de l'autre dans le ruisseau, dans l'axe d'écoulement des eaux, et ces troncs sont ensuite recouverts de terre pour faire le passage, l'espace entre les troncs d'aulne permettant à l'eau de s'écouler. Son imputrescibilité à l'état immergé explique que les pilotis de Venise sont fabriqués en bois d'aulne dès le XIIe siècle (en bois de chêne, d'orme et de mélèze à partir du XVe siècle)[11].
Le bois d'aulne, bien homogène, se tourne et se sculpte facilement. On en fait des ornements de meubles, des maquettes pour l'industrie (surtout avant l'apparition des simulations numérique 3D) et on en faisait autrefois des sabots, des manches de brosse, des jouets, et des ustensiles de ménage. Les bouteilles de Chartreuse étaient vendues autrefois dans des boites cylindriques tournées dans du bois d'aulne.
Son tannin a fait utiliser son écorce en tannerie, et en teinturerie et chapellerie (production d'une couleur noire quand l'écorce est mélangée à des sels de fer).
Enfin, le charbon d'aulne était utilisé autrefois pour la poudre à canon, conférant une meilleure qualité à l'explosif.
Plusieurs espèces d'aulnes sont utilisées comme arbres d'ornement et parfois d'alignement, du fait de leurs silhouettes caractéristiques, de leur forte rusticité et de leur croissance très rapide tout en gardant un gabarit modéré. En Europe, l'usage des espèces autochtones est limité par leur fort besoin en eau, on utilise ainsi fréquemment des espèces introduites qui tolèrent les conditions urbaines plus sèches tout en ayant un feuillage luxuriant, comme l'aulne de Corse et l'aulne de Spaeth.
Attesté vers 1200 sous la forme ausne « bois d'aune »[12]; en 1268-71 aune, arbre[13]; vers 1314 aulne[14].
Les termes vergne ou verne et leurs variantes sont les noms génériques de l'arbre dans le Sud de la France et au Piémont (Italie), où le dialecte local se rapproche de l'occitan et du franco-provençal. Il procède du celtique (gaulois) *uerno- non attesté mais probable ou du radical gaulois *vern- comparable au breton gwern, au cornique gwern, au gallois gwern et à l'irlandais fern[15].
La carte linguistique du terme aune pour le domaine gallo-roman montre son implantation au nord d'une ligne Loire-Vosges. Le sud est le domaine des formes issues du gaulois *uerno-. Aune procède partiellement du latin alnus de même sens, lui-même issu d'un indo-européen alisa ou elisa (terme relatif à l'eau, à la pluie, au marécage) que l'on retrouve dans l'anglais alder et l'allemand erl[16]. Le latin alnus, tandis qu'il se heurtait au sud au domaine au substrat gaulois *uerno-, s'implantait au nord grâce à son homophonie avec le superstrat vieux bas francique *alisa[17]. Frings a démontré que le vocabulaire francique du nord de la France, ayant été essentiellement apporté par les Francs du nord-ouest, alnus est entré en contact non pas avec le francique *alira, forme en usage chez les Francs du sud-est dans les régions de la Moselle et du Main, mais avec *alisa, en usage dans les régions de la Meuse, de l'Escaut et du cours supérieur du Rhin (cf. moyen bas allemand et moyen néerlandais else), ce qui expliquerait la forme d'ancien français ausne, si ce s n'est pas seulement graphique [18]. Le maintien du substrat *uerno- dans le domaine d'oc s'explique peut-être par le fait que l'aune, plus fréquent dans ce territoire plus souvent marécageux que dans le nord, a pu y conserver plus facilement sa dénomination primitive[19].
L'hypothèse d'un croisement entre l'ancien bas francique *alira et les noms d'arbres en -inus tels que fraxinus > Frêne, carpinus > charme[20] est peu vraisemblable, d'autant qu’aune a de nombreux correspondants en Italie du Nord. D'autre part, il semble difficile de faire dériver aune du latin alnus sans aucune influence étrangère[21],[22]. Son homophonie partielle avec le francique *alisa n'a pu que favoriser son implantation[18].
Au temps du paganisme gaulois, la célébration du règne végétal a fécondé l'imaginaire populaire qui, en attribuant des pouvoirs à cet arbre, a inspiré de nombreux phytotoponymes[23] : 230 formés sur verne et vergne (Lavergne, Vergne, Vernay, Verne, Vernet, Verneuil, Vernon...) ; 37 formés sur aulne ou aune (dont 12 Aulnay[24], 6 Aulnois, 4 Aulnoy, 3 Aunay, Aulnat[25]...)[26]. D'autres appellatifs liés à cet arbre ont survécu dans les microtoponymes et les hydronymes (Aunay, Launet)...
On peut également reconnaître l'aulne dans de nombreux patronymes qui évoquent originellement des hommes habitant près d'un bois d'aulnes qui indique souvent la présence d'une source d'un cours d'eau bordé de ces arbres. Si les noms d'une douzaine d'arbres figurent, tels quels ou sous une forme dérivée, dans les 1 000 patronymes les plus fréquents en France, l'aulne est à l'origine de six noms propres les plus portés : Delaunay, Launay, Delannoy d'une part, Lavergne, Vernet, Vergne d'autre part[27].