Gorgonopsiens
Règne | Animalia |
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Embranchement | Chordata |
Sous-embr. | Vertebrata |
Classe | Synapsida |
Ordre | Therapsida |
Clade | Theriodontia |
Sous-ordre
Genres de rang inférieur
Les gorgonopsiens (Gorgonopsia) forment un sous-ordre éteint de thérapsides carnivores ayant vécu du milieu jusqu'à la fin du Permien, il y a entre 265 et 252 millions d'années avant notre ère. Ils se caractérisent par un crâne long et étroit ainsi que par des canines et des incisives supérieures et parfois inférieures surdéveloppées, les autres dents étant généralement réduites, voire absentes. Cette dentition, combinée avec une ouverture de la mâchoire, probablement supérieure à 90° sans avoir à décrocher la mandibule, évoque celle des prédateurs à dents de sabre ultérieurs ainsi qu'une tactique de chasse par morsure et retraite, c'est-à-dire une attaque ponctuelle par embuscade suivie d'une traque à distance jusqu'à épuisement de la victime.
Leurs tailles augmentent considérablement au fil des périodes géologiques, passant des longueurs de crâne de 8 à 15 cm dans le Permien moyen à des proportions semblables aux ours, allant jusqu'à 60 cm durant le Permien supérieur. Les gorgonopsiens les plus récents, les rubidgeinés, sont les plus robustes du groupe et peuvent produire des morsures particulièrement puissantes. Les gorgonopsiens auraient été capables de marcher dans une démarche semi-dressée en plus d'une autonomie locomotrice terrestre similaire à ceux des crocodiliens modernes. Ils seraient peut-être plus agiles que leurs proies mais auraient été probablement des homéothermes inertiels plutôt que des endothermes, contrairement à leurs contemporains thérocéphales et cynodontes, et seraient donc probablement et relativement moins actifs. Bien que les gorgonopsiens seraient capables de maintenir une température corporelle plutôt élevée, il n'est pas clair s'ils auraient également eu des glandes sudoripares ou de la fourrure, et par extension des vibrisses et des structures associées. Leurs cerveaux rappellent plus celui des reptiles que ceux des mammifères actuels. La plupart des espèces peuvent avoir été principalement diurnes, bien que certaines aient pu être également crépusculaires, voire nocturnes. Ils ont probablement eu une vision binoculaire, un œil pariétal (qui détecte la lumière du soleil et maintient le rythme circadien), un sens aigu de l'odorat, un organe voméronasal fonctionnel et éventuellement un tympan rudimentaire.
C'est vers 270 millions d'années avant notre ère, soit durant le Permien moyen, que les principaux groupes de thérapsides succèdent aux « pélycosaures », pendant que la Terre s'assèche progressivement. Les gorgonopsiens deviennent les superprédateurs de leurs environnements à la suite d'une extinction de masse qui décime les dinocéphales et les grands thérocéphales. Malgré l'existence d'un seul supercontinent durant cette période, à savoir la Pangée, leurs fossiles ne sont trouvables que dans le continent africain, précisément dans le supergroupe du Karoo (principalement en Afrique du Sud, mais aussi dans la Tanzanie, la Zambie et le Malawi) ainsi qu'au Niger, la Russie européenne et dans le nord-ouest de la Chine, incluant des restes probables connus d'Inde. Ces endroits ont été identifiés comme des zones semi-arides ayant eu des précipitations très saisonnières. L'ensemble du groupe varie très peu en morphologie, de nombreux genres et espèces étant nommées sur la base de différences plus ou moins mineures et probablement liées à l'âge, ce qui fait que ce taxon fait l'objet de plusieurs révisions phylogénétiques.
Les gorgonopsiens s'éteignent durant l'extinction Permien-Trias, au cours de laquelle une activité volcanique majeure, à l'origine des trapps de Sibérie, et un pic massif de gaz à effet de serre qui en résulte, provoquent une rapide aridification due aux pics de température, pluies acides, feux de forêts fréquents et une dégradation potentielle de la couche d'ozone. Leurs grandes niches prédatrices seront occupées plus tard par les archosaures, et plus précisément les dinosaures théropodes, durant le Mésozoïque.
La grande majorité des gorgonopsiens primitifs, datant du Permien moyen, sont assez petits, avec une longueur de crâne allant de 8 à 15 cm[1],[2],[3]. Certains genres ultérieurs atteignent des tailles plus imposantes comparables à ceux des ours, le plus grand connu étant Inostrancevia, mesurant en longueur jusqu'à 3,5 mètres de la tête à la queue, dont 60 cm rien que pour le crâne, le tout pour une masse corporelle estimé à 300 kilos[4],[note 1]. Néanmoins, les gorgonopsiens plus petits restent abondants jusqu'à leur extinction[1], bien que les petites espèces puissent en fait représenter des spécimens juvéniles d'autres taxons[3].
Comme les autres thérapsides du Permien, les gorgonopsiens disposent de plusieurs caractéristiques « mammaliennes ». Celles-ci incluent une possible démarche longitudinale, les membres étant orientés verticalement et se déplaçant parallèlement à la colonne vertébrale, par opposition à la démarche rampante des amphibiens et des synapsides antérieurs. Ce changement de démarche chez les thérapsides est peut-être lié à la réduction de la taille de la queue et de la formule phalangienne[6], le nombre d'os par doigt, qui pour les gorgonopsiens est de 2.3.4.5.3 comme les reptiles[7]. D'autres développements comprennent l'os cortical lamellaire fibreux et les dents profondément enfoncées[6]. Comme les autres amniotes non euthériodontes, les gorgonopsiens ne possèdent pas de palais secondaire séparant la bouche de la cavité nasale, empêchant donc la mastication.
L'anatomie crânienne varie très peu entre les gorgonopsiens[8]. De nombreuses espèces se distinguent par de vagues différences proportionnelles et, par conséquent, les espèces plus petites peuvent en fait représenter des juvéniles de taxons plus grands. Remarquablement, le vomer au bout du museau varie selon les espèces en termes de degré d'expansion, ainsi que les positions, le degré d'évasement et la forme des 3 crêtes[3]. Ils présentent généralement un crâne long et étroit[7]. Les juvéniles appartenant au genre Rubidgea semblent avoir des museaux plus larges que longs[9]. Contrairement aux euthériodontes, l'os occipital est de forme rectangulaire, plus large que haut et concave, par opposition à triangulaire[10]:279.
Le cerveau des gorgonopsiens, comme celui des autres thérapsides non mammaliaformes, ne possède pas d'expansion du néocortex et a un cerveau postérieur relativement grand par rapport au cerveau antérieur, un gros nerf épiphysaire (que l'on trouve chez les tétrapodes avec un œil pariétal sur le dessus de la tête), une glande pituitaire, et une forme globalement allongée ; dans l'ensemble ressemblant à un cerveau « reptilien »[11]. La boîte crânienne est aussi de forme reptilienne et est comparativement plus petit et pas aussi épaisse que celles des mammifères[10]:280. Le flocculus (en) (un lobe du cervelet), est proportionnellement grand et est lié au réflexe vestibulo-oculaire (en), qui stabilise le regard tout en bougeant la tête. À en juger par l'orientation des canaux semi-circulaires dans l'oreille, qui doivent être orientés parallèlement au sol, la tête du spécimen du gorgonopsien catalogué GPIT/RE/7124 se serait inclinée vers l'avant d'environ 41°, augmentant le chevauchement entre les champs visuels des deux yeux et l'amélioration de la vision binoculaire, utile pour un prédateur. Contrairement aux reptiles ou aux mammifères, les canaux semi-circulaires sont plats, probablement parce qu'ils sont coincés entre les os opisthotiques (des os de l'oreille interne) et supraoccipitaux[11].
Comme de nombreux mammifères, les gorgonopsiens sont hétérodontes, avec des incisives, des canines et des dents postcanines clairement définies, homologues des prémolaires et des molaires[3]. Ils ont, de chaque côté des mâchoires, cinq incisives dans le maxillaire (pour la plupart, les trois premiers ont la même taille les uns que les autres, tandis que les deux derniers sont plus courts) et quatre sur la mandibule[10]:17-18.
Chez la majorité des gorgonopsiens, les incisives sont grandes et les canines supérieures sont allongées, un peu comme celles des prédateurs à dents de sabre ultérieurs. Certains gorgonopsiens ont des canines supérieures exceptionnellement longues, comme Inostrancevia, et certains d'entre eux ont une collerette sur la mâchoire inférieure pour gainer la pointe de la canine lorsque la bouche est fermée. Les canines sur-développées sont généralement interprétées comme ayant été utilisées comme équivalent des armes tranchantes, ce qui aurait nécessité une ouverture extrêmement large. Les canines supérieures et inférieures de Rubidgea sont allongées et l'animal aurait eu besoin d'une ouverture encore plus grande[12]. Le modèle de denture des gorgonopsiens est plus similaire à celui des dinosaures théropodes qu'aux autres synapsides[13]. Le palais présente également des tubérosités et des crêtes qui ont souvent des dents fonctionnelles, qui peuvent avoir été utilisées pour retenir des proies en difficulté, détournant les forces puissantes des canines fragiles. Des crêtes similaires ont été également identifiées chez le machaïrodonte Homotherium[10]:280. Les dents postcanines sont réduites en taille et en nombre, de nombreux rubidgeinés n'ayant pas de postcanines dans la mâchoire inférieure[14], le genre Clelandina en manquant d'ailleurs totalement[9].
Les gorgonopsiens sont polyphyodontes (en), c'est-à-dire que leurs dents poussaient continuellement tout au long de leur vie[15]. Comme certains thérapsides, alors qu'il y a une canine fonctionnelle, une autre canine grandissait pour la remplacer quand elle se brisait inévitablement. Les côtés gauche et droit des mâchoires n'auraient donc pas besoin d'être synchrones. Ainsi, par exemple, la première canine du côté gauche pouvait être fonctionnelle tandis que la première canine du côté droit était encore en croissance[15]. Une telle méthode aurait pu être utilisée pour avoir toujours un ensemble de canines fonctionnelles, car avoir une seule ou aucune canine aurait gravement entravé la prédation, et la croissance de dents aussi grandes prendrait beaucoup de temps. D'un autre côté, étant donné que la canine fonctionnelle se trouve généralement dans l'alvéole dentaire la plus en avant (au lieu d'une occurrence égale dans une ou l'autre alvéole), il est possible que le remplacement des canines se soit produit un nombre limité de fois et que l'animal se retrouve finalement avec un seul ensemble permanent de canines fonctionnelles dans ces alvéoles. En 1984, les paléontologues britanniques Doris (en) et Kenneth Kermack (en) suggèrent que les canines grandiraient pour correspondre à la taille du crâne et se cassaient continuellement jusqu'à ce que l'animal cesse de grandir, et que les gorgonopsiens présenteraient une première version du remplacement dentaire présent chez de nombreux mammifères. Les modèles de remplacement des dents ne sont pas encore très clairs[12]. Les dents postcanines se font remplacer plus lentement que les autres dents, probablement en raison de leur manque de signification fonctionnelle[3].
Les sept vertèbres cervicales ont toutes la même taille sauf la dernière, qui est plus courte et plus basse. Comme chez les futurs prédateurs à dents de sabre, le cou est long avec des muscles bien développés, ce qui aurait été particulièrement utile pour enfoncer les canines dans la chair d'une proie. Comme les autres synapsides plus basaux, les gorgonopsiens ont un seul condyle occipital et l'articulation des vertèbres cervicales est globalement similaire à celle des reptiles, permettant un mouvement latéral de la tête mais limitant les mouvements de haut en bas. La dernière cervicale a plutôt la forme des vertèbres dorsales[10]:293–295.
Les vertèbres dorsales sont en forme de bobine et semblent toutes à peu près identiques les unes aux autres. Les apophyses épineuses dépassent fortement du centre et présentent des carènes acérées à l'avant et à l'arrière. Contrairement aux euthériodontes, les gorgonopsiens n'ont pas de vertèbres lombaires distinguées. Néanmoins, les vertèbres dorsales correspondant à cette série sont similaires aux lombaires des félins à dents de sabre avec des zygapophyses fortement orientées, utiles pour stabiliser le bas du dos, en particulier lors de l'immobilisation de proies en difficultés[10]:293–295.
Il y a trois vertèbres sacrées, et ces dernières sont attachées au bassin par la première vertèbre. Le bassin est de forme reptilienne, avec l'ilion, l'ischion et le pubis qui sont séparés. Le fémur est légèrement en forme de « S » et est court mais plus long et plus mince que l'humérus. Pour la plupart, le tibia et le péroné se courbent fortement l'un dans l'autre, et le tibia est plus robuste que le péroné[10]:295–299. L'articulation entre la cheville et les os du talon peut avoir été quelque peu mobile. Le cinquième doigt des pattes des gorgonopsiens n'est pas attaché au tarse, à la place, il est connecté directement à l'os du talon[16].
Les premiers restes de gorgonopsiens ont été identifiés en 1876 dans le groupe de Beaufort, supergroupe du Karoo, situés en Afrique du Sud, par le célèbre biologiste et paléontologue britannique Richard Owen, ce dernier étant également connu pour être à l'origine du terme « dinosaure ». Il classe les fossiles sous le nom Gorgonops torvus, combinant les mots du grec ancien Γοργόνες / gorgónes « gorgones », en références aux créatures de la mythologie grecque, et ὄψ / óps signifiant « aspect », « yeux » ou « visage »[17]. Dans le reste du continent africain, des gorgonopsiens sont également trouvables dans divers formations de la Tanzanie, la Zambie et le Malawi[10]:7.
Les gorgonopsiens ont été identifiés pour la première fois en Russie dans les années 1890 au sein la localité de Sokolki, sur la rivière Dvina septentrionale et sous la supervision du paléontologue Vladimir Prokhorovitch Amalitsky. Dans un article publié à titre posthume, l'animal en question est décrit sous l'épithète spécifique d'Inostrancevia alexandri, qui n'est d'autre que l'un des gorgonopsiens les plus connus et les plus grands à avoir été découverts[5]. Depuis lors, seuls quelques autres genres russes supplémentaires ont été décrits plus tard : Pravoslavlevia, Sauroctonus, Viatkogorgon, Suchogorgon et Nochnitsa[2]. Un des genres, Leogorgon, est désormais considéré comme un nomen dubium[9].
Les gorgonopsiens n'ont pas été officiellement reconnus au-delà de ces deux zones[2]. En 1979, le paléontologue chinois Yang Zhongjian décrit une nouvelle espèce de potentiel gorgonopsien sous le nom de Wangwusaurus tayuensis, à partir des dents provenant de la formation chinoise de Jiyuan, datant du Permien supérieur[18]. Trois ans plus tard, en 1981, les paléontologues Denise Sigogneau-Russell et Ai-Lin Sun considèrent que les matériels assignés sont un assemblage aléatoire dont seulement deux ont même une similitude lointaine avec ceux des gorgonopsiens[19]. Il faudra attendre 2022 pour que les paléontologues Jun Liu et Wan Yiang identifient un spécimen confirmé d'un gorgonopsien datant du Permien supérieur et ayant bel bien vécu en Chine, bien qu'il ne soit connu que par des restes dentaires[20]. En 2003, les paléontologues indiens Sanghamitra Ray et Saswati Bandyopadhyay attribuent des fragments de crâne à un gorgonopsien de taille moyenne provenant de la formation indienne de Kundaram, datant également du Permien supérieur[21], bien que les caractéristiques du spécimen sont également documentées chez certains thérocéphales[2]. En 2008, un gros fragment d'une mâchoire supérieure et d'une canine provenant possiblement d'un rubidgeiné, identifiés dans la formation de Moradi au Niger, datant du Permien supérieur, constitue la première preuve d'un gorgonopsien ayant vécu dans une zone de faible latitude[22].
Le taxon Gorgonopsia constitue un sous-ordre selon la classification classique. Ils font partie de l'ordre des Therapsida et de la classe des Synapsida, et certaines analyses plus poussée les classent dans le clade Theriodontia, un regroupement de thérapsides dérivés incluant notamment les Therocephalia ainsi que les Cynodontia, qui sont les ancêtres des mammifères[2].
Depuis 2018, les gorgonopsiens dérivés sont divisés en deux sous-groupes, d'origines russes et africains. Les représentants russes sont caractérisées par un contact médian entre le vomer et le ptérygoïde[note 2]. Les gorgonopsiens africains ont généralement une morphologie conservatrice du parabasisphénoïde : cet élément porte une crête en forme de lame s'étendant sur la longueur de la poutre basicrânienne, du bord antérieur de la tubère basioccipitale au bord postérieur des apophyses transverses des ptérygoïdes. Cette lame est plus haute dans sa moitié postérieure mais s'incline progressivement vers l'avant, la seule exception étant les rubidgeinés, dans lesquelles la lame a été secondairement perdue[2],[3],[23].
Le cladogramme ci-dessous présente la phylogénie des thérapsides selon T. S. Kemp (2011)[24] basée selon la proposition d'Hopson et Barghausen (1986)[25] :
◄ Therapsida |
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Lors de sa découverte, Owen présume que Gorgonops et plusieurs autres taxons qu'il a décrit du supergroupe du Karoo serait des reptiles à sang froid, bien qu'ils portent des dents ressemblant à celles des mammifères carnivores. Il propose donc de tous les classer sous le nouvel ordre des Theriodontia, qu'il place dans la classe des Reptilia. Il décide de subdiviser les thériodontes en trois groupes basées sur l'anatomie des narines : « Mononarialia » pour ceux avec une ouverture dans le crâne pour le nez comme chez les mammifères, « Binarialia » pour ceux avec deux ouvertures comme chez les reptiles, et « Tectinarialia » pour Gorgonops car son ouverture est éclipsée par un épais toit crânien en os[17],[26]. En 1890, le naturaliste anglais Richard Lydekker fait de Gorgonops le genre type de la famille des Gorgonopsidae[note 3],[27]. En 1895, le paléontologue britannique Harry Seeley croit que Gorgonops manque d'une ouverture dans l'os temporale, qui est une caractéristique diagnostique de Theriodontia et ramène ainsi Gorgonopsidae à Gorgonopsia, tout en le distinguant de Theriodontia. Il classe tous les matériaux sud-africains portant à la fois des traits reptiliens et mammaliens dans l'ordre « Theriosuchia » et considère les taxons Gorgonopsia et Theriodontia comme sous-ordres de ce dernier[28]. Le paléontologue américain Henry Fairfield Osborn retravaille complètement la classification des Reptilia en 1903, et érige deux grands sous-groupes : Diapsida et Synapsida[29]. En 1905, le paléontologue sud-africain d'origine écossais Robert Broom crée un troisième groupe, Therapsida, pour abriter les « reptiles mammaliens », y compris le taxon Theriodontia. Il conteste également la revendication de Seeley et relègue Gorgonops à Theriodontia, mais il le place dans son sous-groupe nouvellement érigé des Therocephalia, faisant de Gorgonopsia un taxon poubelle[30]. En 1913, surtout à la lumière d'un crâne presque complet de G. torvus découvert par le révérend John H. Whaits, Broom rétablit Gorgonopsia comme un taxon valide[31].
Le nombre de genres sud-africains augmente rapidement au cours du XXe siècle, dirigé principalement par Broom, dont les travaux approfondis sur les thérapsides du Karoo, depuis le début de sa carrière dans le pays en 1897 jusqu'à sa mort en 1951, conduisent à la description de 57 spécimens holotypes de gorgonopsiens et de 29 genres. De nombreux taxons de Broom seront plus tard invalidés[32]. Beaucoup d'autres travailleurs contemporains nomment des espèces ou des genres entièrement nouveaux basés sur des spécimens uniques[10]:57. Par conséquent, les gorgonopsiens font l'objet de beaucoup de révisions taxonomiques et en fait donc l'un des groupes de synapsides les plus problématiques à analyser, en raison du fait que l'anatomie des crânes diffère très peu d'un genre à l'autre, beaucoup étant définis sur la base de vagues différences proportionnelles, y compris même les membres bien connus. Les espèces nominales se distinguent principalement par des traits connus pour être assez variables en fonction de l'âge de l'individu, notamment la taille de l'orbite oculaire, la longueur du museau et le nombre de dents postcanines. Ainsi, il est possible que certains taxons soient synonymes les uns des autres et que les spécimens référencés représentent différents stades de développement d'un individu[33].
L'une des premières tentatives de réorganisation du groupe est réalisée par le zoologiste britannique David Meredith Seares Watson et le paléontologue américain Alfred Romer en 1956, qui les divisent en vingt familles, dont trois membres (Burnetiidae, Hipposauridae et Phthinosuchidae) ne sont plus considérés comme des gorgonopsiens[9]. En 1970, et encore en 1989, considérant principalement les taxons africains, Denise Sigogneau-Russell publie une monographie complète sur le taxon Gorgonopsia (le définissant comme un infra-ordre), et ne reconnaît que deux familles : Watongiidae et Gorgonopsidae. Watongia est plus tard transféré chez les Varanopidae en 2004. Elle divise les Gorgonopsidae en trois sous-familles : Gorgonopsinae, Rubidgeinae et Inostranceviinae, et en réduit le nombre de genres à 23[1],[34]. En 2002, le paléontologue Mikhail F. Ivakhnenko, prenant en compte les taxons russes, considère plutôt Gorgonopsia comme un sous-ordre et le regroupe avec les Dinocephalia dans l'ordre « Gorgodontia ». Il divise les Gorgonopsia en deux super-familles : « Gorgonopsioidea », contenant les familles Gorgonopsidae, Cyonosauridae et Galesuchidae, et « Rubidgeoidea » contenant les Rubidgeidae, Phtinosuchidae et Inostranceviidae[35]. En 2007, la biologiste Eva V. I. Gebauer, dans sa revue complète des gorgonopsiens (sa thèse de doctorat), rejette le modèle d'Ivakhnenko en faveur de celui de Sigogneau-Russell, et réduit encore le nombre de genres à 14, en plus des genres russes : Aloposaurus, Cyonosaurus, Aelurosaurus, Sauroctonus, Scylacognathus, Eoarctops, Gorgonops, "Dixeya" nasuta (sous le nomen nudum informel "Njalila"), Lycaenops, Arctognathus, Aelurognathus, Sycosaurus, Clelandina et Rubidgea[10]:244. En général, le modèle de Sigogneau-Russell est supporté, mais il y a peu de consensus sur quels genres peuvent être attribués à quelles sous-familles[9]. En 2015, le paléontologue américain Christian F. Kammerer et ses collègues reclassent Eriphostoma, longtemps considéré comme un thériodonte indéterminé, au sein des gorgonopsiens et le rendent synonyme avec Scylacognathus[36], et l'année suivante avec Eoarctops[9].
La première phylogénie des membres des gorgonopsiens est publiée en 2016, toujours par Kammerer, qui étudie spécifiquement les rubidgéinés, et redécrit à la fois la sous-famille et les 9 espèces qu'il attribue (en réduisant le nombre de 36 espèces). Kammerer rend également valide les genres Dinogorgon, Leontosaurus, Ruhuhucerberus et Smilesaurus. Ce dernier étant retissant à savoir si Leontosaurus, Clelandina, Dinogorgon et Rubidgea représentent tous le même taxon ou non, pour lequel Dinogorgon a la priorité du nom valide, décide de tous les classer dans la tribu des Rubidgeini en attendant un examen plus approfondi[9]. En 2018, Kammerer et le paléontologue russe Vladimir Masyutin identifie le nouveau genre Nochnitsa comme étant le gorgonopsien le plus basal connu et découvre que tous les taxons russes ultérieurs, à l'exception de Viatkogorgon, forment un clade complètement séparé des taxons africains[2]. Toujours en 2018, la paléobiologiste Eva-Maria Bendel, Kammerer et ses collègues rendent valide le genre Cynariops[3]. En 2022, Kammerer et son collègue Bruce S. Rubidge décrivent Phorcys, l'un des plus vieux gorgonopsiens identifié à ce jour, connu d'Afrique du Sud[23].
Ci-dessous, le cladogramme du taxon Gorgonopsia selon Kammerer & Rubidge (2022)[23], qui suit en grande partie les cladogrammes précédemment établis depuis 2018[2],[3] :
◄ Gorgonopsia |
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Le taxon Synapsida était traditionnellement divisé en « Pelycosauria » pour les taxons basaux et Therapsida pour les plus dérivés. Le premier groupe comprenait des créatures à sang froid ayant eu une démarche rampante et un métabolisme vraisemblablement plus faible qui apparaissent au Carbonifère supérieur. Du milieu à la fin du XXe siècle, le paléontologue américain Everett C. OlsonEverett C. Olson étudie la diversité des synapsides du Permien moyen en Amérique du Nord. Il note que la diversité des pélycosaures est réduite de six à trois dans ces formations, et qu'ils coexistent avec plusieurs spécimens fragmentaires qu'il interprète comme appartenant à ceux des thérapsides. Il suggère ensuite que le passage adaptatif du grade des pélycosaures au grade des thérapsides aurait eu lieu au cours du Permien moyen. Cependant, la classification de ces « thérapsides » et l'âge de ces formations sont fortement contestés. Ainsi, le moment exact de la prise de contrôle des thérapsides n'est pas clair, mais les six principaux groupes de thérapsides (Biarmosuchia, Dinocephalia, Anomodontia, Gorgonopsia, Therocephalia et Cynodontia) semblent être apparus il y a entre 270 et 265 millions d'années avant notre ère[37].
Le Permien devient progressivement une période de plus en plus sèche. Au Carbonifère supérieur et au Permien inférieur, les pélycosaures semblent s'adapter à des marais de charbon toujours humides (en) des habitats proches de l'équateur (les fossiles étant connus à moins de 10 °C de part et d'autre de l'équateur). Au-delà, jusqu'à environ 30 °C, se trouvait un vaste désert qui s'étendait jusqu'à la côte, séparant les marécages des régions tempérées. Au Permien moyen, les forêts équatoriales passent à un système saisonnier humide/sec, mais les marécages sont reliés aux zones tempérées par des passages côtiers le long de la Pangée orientale, permettant ainsi la migration transcontinentale de ce qui est maintenant l'Afrique du Sud vers ce qui est maintenant la Russie. Les thérapsides semblent avoir évolué dans ce paysage saisonnier, s'étendant même dans les zones tempérées. À ce stade, les thérapsides sont les seuls grands animaux terrestres de leurs environnements et les pélycosaures n'auraient peut-être pas été capables de s'adapter à l'aridification. Peu après l'extinction des pélycosaures, les thérapsides connaissent une adaptation majeure se poursuivant durant le Permien supérieur[37].
Tout au long du Permien moyen, les dinocéphales, souvent de grandes tailles, sont les animaux dominants de leurs écosystèmes. Ils disparaissent des archives fossiles au cours de l'extinction du Capitanienextinction du Capitanien, causé par l'activité volcanique qui a formé les trapps d'Emeishan en actuelle Chine. La cause exacte de leur extinction n'est pas claire, mais ils sont remplacés par les gorgonopsiens et les dicynodontes (ces derniers commencent à augmenter considérablement en taille durant le Trias) et les plus petits thérocéphales[38]. Le plus ancien spécimen de gorgonopsien connu est un museau partiel appartenant à un genre indéterminée provenant de la zone d'assemblage supérieure d'Eodicynodon (en) du supergroupe du Karoo, datant approximativement du Wordien. Le genre Phorcys, datant de l'extrémité la plus basse de la zone d'assemblage supérieure de Tapinocephalus (en), c'est-à-dire à peu près plus tard de la limite Wordien/Capitanien, est le plus ancien taxon de gorgonopsien ayant été identifié à ce jour[23]. Les rubidgeinés sont les gorgonopsiens les plus dérivés, et par conséquent parmi les plus massifs et les plus lourdement bâtis du groupe[9].
Les gorgonopsiens auraient été probablement des prédateurs actifs. Les rubidgeinés ont un crâne spécialement construit chez les gorgonopsiens, comparable à ceux d'énormes superprédateurs qui auraient utilisé leur crâne comme arme principale, comme chez les mosasaures ou certains dinosaures théropodes tels que les tyrannosauridés. Les gorgonopsiens moins robustes avec une morsure beaucoup plus faible et des canines plus longues, comme Smilesaurus ou Inostrancevia, auraient utilisé plutôt ces dernières pour trancher la peau des proies, tactique probable de certains prédateurs à dents de sabre. Les dent postcanines de Clelandina ont été remplacées par une crête lisse, contrairement aux dicynodontes qui ont une crête kératinique en forme de lame, et il se peut qu'il aurait attaqué principalement des proies qu'il pouvait avaler en entier. Les taxons de gorgonopsiens ont coexisté les uns avec les autres, jusqu'à sept à la fois, et le fait que certains rubidgeinés possèdent des postcanines alors que d'autres contemporains ne suggèrent pas qu'ils pratiquaient la partition de niche indique que ces derniers poursuivaient différents types de proies[9].
Les chercheurs pensent généralement que les canines allongées auraient joué un rôle dans leurs tactiques de chasse. Leurs charnières de mâchoires sont à double articulation et composées d'os quelque peu mobiles et rotatifs, ce qui leur permet d'ouvrir la bouche de manière remarquablement large, peut-être à plus de 90°, sans avoir à décrocher la mâchoire[39]. Il a alternativement été suggéré (d'abord en 2002 par les biologistes Blaire Van Valkenburgh et Tyson Secco, mais en référence aux félins) que les canines ont évolué principalement en raison de la sélection sexuelle comme forme de parade nuptiale. Cela est présent chez certaines espèces de cerfs modernes, mais est difficile à tester étant donné le manque de mammifères prédateurs vivants à dents de sabre. Chez les machaïrodontes, on pense que les taxons à long sabre (« dents de poignard ») ont été des chasseurs de poursuite, tandis que les taxons à dents courtes (« dents de cimeterre ») auraient été des prédateurs en embuscade[40]. Parmi les félins à dents de cimeterre, il est suggéré que ces prédateurs tueraient avec une entaille bien placée à la gorge après avoir attrapé une proie, mais les gorgonopsiens ont peut-être été moins précis avec le placement des morsures, armés de mâchoires « reptiliennes » et de dispositions dentaires. Au lieu de cela, les gorgonopsiens ont peut-être utilisé une tactique de morsure et de retraite : le prédateur tendait une embuscade à sa proie et en prenait une morsure importante et déstabilisante, puis suivait la proie tentant de s'échapper avant de succomber à sa blessure, avant que les gorgonopsiens livrent une morsure fatale. En raison du fait que les dents postcanines sont réduites ou totalement absentes, la chair aurait été arrachée de force de la carcasse et avalée entière[39]. On suppose aussi que cette stratégie de « piqûre-tirer » aurait été également utilisée par les dinosaures théropodes carnivores[13].
Les gorgonopsiens, ainsi que d'autres carnivores primitifs et des crocodiliens, s'appuierait principalement sur le « système cinétique-inertiel » (KI) pour mordre leurs proies, dans lequel les muscles temporaux serrent rapidement les mâchoires fermées, en utilisant l'élan et l'énergie cinétique des mâchoires et des dents pour saisir la victime. Les mammifères carnivores, y compris les ceux à dents de sabre, s'appuient principalement sur le « système de pression statique » (SP) où les muscles temporaux produisent une forte force de morsure pour tuer les proies[14]. Le muscle temporal ne s'est séparé que chez les mammifères, et les gorgonopsiens ont eu plutôt un muscle s'étendant de la face inférieure du toit crânien, jusqu'à l'os squamosal (situé à l'arrière du crâne) et à travers les joues. La partie ancrée par les joues stabilisait la mâchoire et lui permettait de se déplacer latéralement lors de la fermeture. Cela a peut-être été très important pour mordre, car les pommettes deviennent plus fortes en même temps que les canines s'allongent[10]:278.
Les gorgonopsiens plus petits, tels que Cyonosaurus, ont des crânes et des canines graciles, et peuvent avoir agi de manière similaire aux chacals et aux renards. Les gorgonopsiens plus gros, comme Gorgonops, ont un long museau robuste avec des joues fortement évasées, qui aurait supporté de forts ptérygoïdes et une puissante morsure. Arctognathus, qui est un gorgonopsien de taille moyenne, a un crâne en forme de boîte et un museau puissant, ce qui aurait permis de forts mouvements de flexion et de torsion ainsi qu'une combinaison d'éléments de morsure KI et SP. Même de gros gorgonopsiens, comme Arctops, ont un museau plus court et plus convexe comme le célèbre sphénacodonte Dimetrodon et auraient pu serrer rapidement les mâchoires fermées à partir d'un large écartement (ce qui aurait été nécessaire compte tenu des longues canines). Les rubidgeinés, de plus grande taille, ont des crânes à contreforts extrêmement puissants, fortement construits, avec un museau large, des joues fortement rebordées et des dents excessivement longues ; les canines de Rubidgea atrox étants plus longues que les dents de Tyrannosaurus[14].
Contrairement aux mammifères carnivores, les gorgonopsiens et les thérocéphales ont des dents postcanines réduites ou complètement absentes, et la mâchoire ne pouvait probablement pas exercer la pression de cisaillement nécessaire pour écraser les os ouverts afin d'accéder à la moelle osseuse[41]. Il n'est pas clair si la moelle osseuse avait encore évolué chez les synapsides du Permien (les poissons et de nombreux amphibiens en manquant de nos jours), mais une étude publiée en 2021 montrent des preuves que deux reptiliomorphes datant du Cisuralien, Seymouria et Discosauriscus, auraient probablement eu une moelle osseuse hématopoïétique dans leurs membres[42].
Les gorgonopsiens sont considérés comme des animaux ayant eu une mode de vie strictement terrestre[43]. Les chercheurs pensent qu'ils ont pu se déplacer avec une démarche dressée similaire à celle utilisée par les crocodiliens, les membres étant positionnés presque verticalement par opposition à horizontalement comme dans la démarche rampante des lézards. La cavité glénoïde de l'omoplate est fortement inclinée vers la queue, de sorte que les membres ont un mouvement vers l'avant limité et qu'ils pouvaient avoir une courte longueur de foulée. Les lézards déplacent souvent leur colonne vertébrale d'un côté à l'autre pour augmenter la longueur de la foulée, mais les articulations facettaires plus verticales reliant les vertèbres chez les gorgonopsiens auraient rendu la colonne vertébrale plus rigide et stable, gênant un tel mouvement[10]:259–260.
L'articulation de l'épaule des gorgonopsiens a une configuration très inhabituelle. La tête humérale qui se connecte à l'épaule est plus longue que la glène, elle ne pourrait donc pas entrer dans la cavité. Par conséquent, ils peuvent avoir été attachés avec une grande masse de cartilage, l'humérus effectuant un mouvement de roulement sur la glène. Cela pourrait théoriquement faire en sorte que l'angle entre l'humérus et la glène soit compris entre 80 et 145° face à l'animal. Si l'angle était sur l'extrémité inférieure, cela aurait été un joint plutôt ferme, permettant aux muscles deltoïdes d'exercer une grande force à travers le membre antérieur, par exemple en immobilisant une proie en difficulté ou en tenant une carcasse tout en arrachant la chair. Si l'humérus était positionné à un angle plus élevé, cela aurait pu permettre une extension accrue vers l'avant et vers l'arrière (le long du grand axe) et donc une plus grande longueur de foulée, utile dans une attaque ou de pourchasse. L'omoplate s'étend sur les côtés latéraux de l'animal, fournissant également une grande attache pour les deltoïdes. Tous les muscles scapulo-huméraux ont eu des attaches fortement développées, en particulier les deltoïdes. Lors de l'extension des membres antérieurs, les deltoïdes peuvent avoir soulevé la face avant de l'humérus, et le muscle coracobrachial a abaissé la face arrière. Lors de la rétraction du membre antérieur, le muscle pectoral peut avoir poussé le bord antérieur vers le bas et le muscle subscapulaire aurait tiré le bord postérieur vers le haut[10]:260–264.
L'articulation du bassin possède la configuration habituelle des articulations sphéroïdes. La tête fémorale quelque peu aplatie aurait pu théoriquement s'insérer dans la cavité de la hanche à un large éventail d'angles. Le paléontologue Tom S. Kemp suggère en 1982 que les premiers thériodontes, y compris les gorgonopsiens, pourraient placer le fémur à la fois à un angle horizontal dans une démarche tentaculaire, ainsi qu'à un angle plus vertical dans une démarche dressée. Il compare les habitudes locomotrices de ces thérapsides à celles des crocodiliens, qui utilisent une démarche rampante sur de courtes distances, mais passent à une démarche droite lorsqu'ils courent ou se déplacent sur de plus longues distances. Bien que la hanche du spécimen catalogué GPIT/RE/7113 semble être anatomiquement un intermédiaire entre celui de Dimetrodon et celle des mammifères disposant d'un ilium, ce dernier s'élargit davantage vers la tête que vers la queue, et le pubis réduit quelque peu le muscle puboischiofémoral (un muscle volumineux porté uniquement par les reptiles qui va du bassin au fémur) largement attaché à la face inférieure du pubis et de l'ischion, qui aurait permis de produire une forte force d'adduction, rapprochant les jambes du corps, utile dans une démarche rampante. Il est également concevable que les gorgonopsiens aient principalement engagé ce muscle tout en s'attaquant à des proies en difficulté[10]:264–270. Les tibias sont relativement courts par rapport au fémur, ce qui suggère que les gorgonopsiens ne seraient pas adaptés pour courir sur de longues distances[10]:298–299.
En ce qui concerne la façon dont les pieds sont placés au sol, les gorgonopsiens sont les seuls premiers thérapsides qui présentent une ectataxonie (le dernier doigt portant le plus de poids), une homopodie (les empreintes de pied et de main se ressemblant) et une semi-plantigradie (dans une certaine mesure, les pieds étant posés à plat sur le sol)[44]. Ces adaptations ont peut-être rendu les gorgonopsiens plus rapides et plus agiles que leurs proies[39]. Les gorgonopsiens ont des doigts plutôt agiles, indiquant une capacité de préhension à la fois pour les pattes avants et arrières, peut-être pour saisir des proies en difficulté afin d'éviter une charge excessive et la fracture ou la rupture consécutive des canines pendant qu'elles étaient enfoncées dans la victime[16].
Contrairement aux euthériodontes, mais comme certaines créatures ectothermes d'aujourd'hui, tous les gorgonopsiens possèdent un œil pinéal au sommet de la tête qui est utilisé pour détecter la lumière du jour et donc la température optimale pour être actif. Il est possible que d'autres thériodontes ne le possèdent pas en raison de l'évolution de l'endothermie, des cellules ganglionnaires rétiniennes intrinsèquement photosensibles dans les yeux, en tandem avec la perte de la vision des couleurs et un passage à la vie nocturne, voire les deux[45]. Les chercheurs ont longtemps cru que le comportement nocturne serait exclusif aux mammifères, mais la grande taille de l'orbite et la présence d'anneaux sclérotiques chez de nombreux synapsides primitifs, dont les plus anciens datent du Carbonifère, suggèrent que la capacité de s'aventurer dans des conditions de faible luminosité est apparue beaucoup plus tôt. Sur la base de ces aspects, le gorgonopsien catalogué SAM-PK-K10034 pourrait avoir eu une vision mésopique, et Cyonosaurus une vision scotopique ou photopique[46]. Les diamètres des anneaux sclérotiques de Viatkogorgon sont proportionnellement grands, avec un diamètre intérieur de 1,5 cm et un diamètre extérieur de 2,3 cm, par rapport à un diamètre de 2,8 cm pour l'orbite en elle-même, ce qui suggère que l'animal faisait des excursions principalement nocturnes[2]. Le rubidgeiné Clelandina possède des anneaux sclérotiques inhabituellement petits, indiquant qu'il aurait eu une vision photopique et qu'il serait strictement diurne. Kammerer suggère que la division de niche parmi les rubidgeinés prendrait la forme d'espèces différentes étant actives à différents moments de la journée, mais en raison du fait que seuls les anneaux sclérotiques de Clelandina au sein cette sous-famille ont été identifiés, cette hypothèse reste spéculative jusqu'à preuve du contraire[9].
Les gorgonopsiens ont une cavité nasale plutôt courte, comme les pélycosaures, mais elle présente d'abondantes crêtes longitudinales situés derrière les narines internes qui relient la cavité nasale à la gorge. En raison du fait que l'air respiré ne les traverse pas, ceux-ci sont généralement interprétés comme étants des cornets olfactifs qui donnerait aux gorgonopsiens un sens de l'odorat assez développé[47]. Les gorgonopsiens possèdent un organe voméronasal qui est placé à la base de la cloison nasale et contrairement aux dicynodontes et aux thérocéphales, il semble y avoir un canal reliant l'organe à la bouche, indiquant qu'il serait fonctionnel chez les gorgonopsiens[48].
Les premiers thériodontes, y compris les gorgonopsiens, peuvent avoir possédé un tympan, contrairement aux premiers pélycosaures, ce qui est indiqué par la réduction de la connexion entre l'os carré, situé au niveau de la charnière de la mâchoire, et l'os ptérygoïdien, placé au palais, permettant au carré de vibrer indépendamment pour un degré. Cela permet la détection de sons aériens d'une faible amplitude inférieure à 1 mm, mais le tympan aurait été soutenu par du cartilage ou des ligaments au lieu d'os. Si cela s'avère correct, alors les os postdentaires (qui, chez les premiers mammifères, forment l'oreille moyenne) aurait dû se détacher du dentaire. Les archives fossiles semblent indiquer que la connexion postdentaire-dentaire est réduite chez le gorgonopsiens. Cependant, étant donné les spécialisations requises pour mordre, la condition d'un carré isolant chez les gorgonopsiens pourrait alternativement être expliquée comme une streptostylie (carré rotatif) afin d'élargir la béance plutôt que de faciliter l'audition[6].
Un changement anatomique majeur s'est produit entre les premiers pélycosaures et les thérapsides, qui est supposé avoir été lié à un métabolisme croissant et aux origines de l'homéothermie. L'évolution d'un palais secondaire et la séparation de la bouche de la cavité nasale peuvent avoir augmenté l'efficacité de la ventilation associée à des niveaux élevés d'activité aérobie. La réorganisation du squelette allant d'une démarche rampante à une démarche longitudinale a été postulée pour indiquer la présence d'un diaphragme, et donc également une ventilation améliorée pour l'activité d'aérobie, mais cela aurait plutôt avoir pour finalité d'augmenter l'accélération ou l'agilité, ce qui n'équivaut pas nécessairement à une activité d'aérobie intense, un peu comme chez les crocodiles. L'os cortical lamellaire fibreux, que possèdent tous les premiers thérapsides, indiquerait un taux de croissance accru, mais cela peut ne pas être lié au taux métabolique[49].
Les grands reptiles modernes dégagent naturellement de la chaleur corporelle à un rythme plus lent que les plus petits et sont considérés comme des « homéothermes inertiels », mais ils maintiennent une température corporelle basse de 25 à 30 °C. Si les thérapsides nécessiteraient une température corporelle plus élevée de 35 à 40 °C, ils auraient dû être soit des endothermes (générant leur propre chaleur corporelle), soit avoir eu un meilleur contrôle sur la perte de chaleur (c'est-à-dire une meilleure homéothermie). La démarche longitudinale a peut-être aidé ces derniers, car elle aurait maintenu la majeure partie du corps hors du sol et aurait permis au sang de rester dans l'abdomen au lieu d'avoir à circuler à travers les appendices, ce qui réduirait le transfert de chaleur au sol et stabiliserait la température à cœur. La queue réduite aurait également diminué la surface totale de l'animal, minimisant davantage les pertes de chaleur[50]. Parmi les thérapsides, seuls les euthériodontes, clade n'incluant pas les gorgonopsiens, ont des cornets nasaux respiratoires, qui aident à retenir l'humidité tout en respirant de grandes quantités d'air, et leur évolution est généralement associée au début des taux de consommation d'oxygène dite « mammalienne » et aux origines de l'endothermie[47].
Si les gorgonopsiens auraient été des homéothermes inertiels, il n'est pas impossible qu'ils aient eu de la fourrure. Leur museau est généralement criblé de foramens, ce qui pourrait potentiellement indiquer l'existence d'une peau lâche (par opposition aux écailles), de poils, de diverses glandes cutanées (telles que les glandes sudoripares) et des vibrisses. Cependant, certains reptiles présentent une structuration similaire des foramens, qui sont plutôt liés au développement dentaire plutôt qu'à celle de la peau[51].
L'aspect antérolatéral du radius gauche de l'échantillon du gorgonopsien catalogué NHCC LB396 présente une lésion osseuse circulaire, comportant des pointes irrégulières à radiales constituées d'os cortical entouré d'une fine couche de périoste, qui se serait développée rapidement sur une seule saison de croissance. Ceci est cohérent avec une périostite résultant très probablement d'un hématome sous périosté. Cet état spécifique ainsi que le taux de croissance rapide rappellent davantage les mammifères et les dinosaures que les crocodiliens ou les varans. Parmi les synapsides basaux, la seule autre pathologie notée est l'ostéomyélite dans plusieurs groupes de pélycosaures[52].
Le côté labial de la racine dentaire d'une canine fonctionnelle du spécimen catalogué RB382 présente jusqu'à 8 lésions, groupées le long de la ligne médiane de la dent, qui ressemblent à des dents miniatures avec une pulpe, une dentine et une fine couche d'émail. Elles sont à peu près circulaires, avec des diamètres variant de 0,3 à 3,9 mm, bien qu'elles deviennent moins circulaires autour du point médian de la racine jusqu'au passage du col de la dent. Ceci est à peu près cohérent avec l'odontome humain, le type de tumeur odontogène le plus fréquent, qui ne s'étendait auparavant que quelques millions d'années dans les archives fossiles. Âgé de 255 millions d'années, RB382 représente le plus ancien cas connu d'odontome[53].
Le museau fossile du spécimen répertorié SAM-PK-11490, provenant d'une espèce indéterminée de gorgonopsien datant du Permien moyen, possède une dent incrustée d'un animal non identifiable. L'os a développé un cal osseux autour de la dent, indiquant qu'il aurait guéri et que l'individu a survécu à l'attaque. La blessure provient soit d'un prédateur (à savoir un biarmosuchien, un dinocéphale, un thérocéphale voire un autre gorgonopsien), soit d'une morsure intraspécifique du visage comme c'est généralement le cas chez les prédateurs sociaux, tels que les grands félins ou les varans. Les morsures sociales visent à affirmer la domination ou à faciliter la reproduction et, si elles sont correctes, suggèrent qu'au moins certains gorgonopsiens du Permien moyen serait des carnivores sociaux. La dent étant initialement négligée, il est donc difficile de savoir à quel point cette pathologie serait courante[54].
Après l'extinction des dinocéphales et des grands thérocéphaliens basaux appartenant aux familles des Scylacosauridae et des Lycosuchidae, les gorgonopsiens passent de formes petites et peu communes à de robustes superprédateurs[note 4]. Du Guadalupien au Lopingien, en actuelle Afrique du Sud, les dicynodontes sont les animaux les plus communs, tandis que les paréiasaures Deltavjatia et Scutosaurus sont les plus abondants dans les formations russes[55]. Au cours du Permien supérieur, le groupe sud-africain de Beaufort formait une steppe froide semi-aride caractérisée par de grandes étendues saisonnières, les rivières et les plaines inondables drainant des sources d'eau beaucoup plus au nord dans la mer du Karoo, avec quelques occurrences de crues soudaines après de fortes pluies[56],[57], la distribution des carbonates étant cohérente avec les dépôts de caliches actuels qui se forment dans des climats avec une température moyenne de 16 à 20 °C et 100 à 500 mm de précipitations saisonnières[57]. La formation de Salarevski, une formation contenant des gorgonopsiens situé à l'ouest de la Russie, se serait également et probablement déposée dans un environnement semi-aride avec des précipitations très saisonnières, comportant des plantes hygrophytes et halophytes dans des zones côtières ainsi que des conifères plus résistants à la sécheresse et aux altitudes plus élevées[58]. La formation de Moradi, situé au nord-ouest du Niger, fut un désert aride principalement dominé par des sauropsides tels que le captorhinidé Moradisaurus et le paréiasaure Bunostegos[22]. Il comporte le taxon éteint de conifères des Voltziales et est comparé au point de vue environnemental aux actuels désert du Namib et au bassin du lac Eyre[59].
Les gorgonopsiens s'éteignent durant la fin du Lopingien lors de l'extinction Permien-Trias, principalement à cause des activités volcaniques qui sont à l'origine des trapps de Sibérie. Le pic massif de gaz à effet de serre qui en résulte provoque une rapide aridification due à un pic de température (jusqu'à 8-10 °C à l'équateur, avec des températures équatoriales moyennes de 32-35 °C au début du Trias), des pluies acides (avec un pH aussi bas que 2 ou 3 pendant l'éruption et 4 dans le monde, et la pénurie subséquente de forêts pendant les 10 premiers millions d'années du Trias), les feux de forêt fréquents (bien qu'ils sont déjà assez communs durant tout le Permien) et une rupture potentielle de la couche d'ozone (éventuellement en augmentant brièvement le bombardement de rayonnement UV de 400 % à l'équateur et de 5 000 % aux pôles)[60]. Parmi les thérapsides, les thérocéphales de petite taille et des grands anomodontes réussissent à traverser la limite Permien-Trias et survivent respectivement jusqu'au Trias moyen et supérieur, mais seuls les cynodontes de plus petite taille survivent au-delà du Jurassique, dont les descendants donneront plus tard naissance aux mammifères. Les niches laissées ouvertes par les gorgonopsiens seront comblées par les archosaures, notamment les premiers dinosaures théropodes, durant les premiers stades du Trias[61].
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